Lors du dépouillement des questionnaires de satisfaction de la 4ème édition du festival Journées sorcières en 2023, trois ou quatre personnes ont déploré l’absence de stands de pierres sur notre « marché des sorcières ». Voici le premier article d’une série de « Pourquoi ? » qui vont nous permettre de (re)présenter nos divers positionnements.
Nous n’entrerons dans le débat sur l’efficience de la lithothérapie et sur les possibles dérives sectaires liées à cette pratique : ce n’est pas le but de cet article ! Ces remarques sont plutôt l’occasion de mieux faire connaître au public notre charte associative et nos engagements très forts autour du marché. Et on vous en remercie !
L’un des objets de l’association est la mise en valeur du tissu artisanal, agricole et culturel local : c’est la première raison pour laquelle notre charte n’accepte que des artisan·es et producteur·rices d’Ariège et des environs. Cette absence de revente sur le marché est un engagement fort de notre part, qu’on retrouve sur très peu de marchés. On tire beaucoup de fierté de servir d’écrin aux productions locales, qui sont souvent de très grande qualité. Même si cela ne nous permet pas de répondre à toutes les attentes du public, nous voulons mettre en avant des savoirs et des savoir-faire. C’est la raison pour laquelle la revente de pierres venues du bout du monde n’est pas envisageable sur notre marché : ce choix est conscient et assumé. Bien sûr, il existe quelques créatrices qui cherchent et extraient artisanalement des pierres fines et des marbres dans les Pyrénées, à l’instar de la sculptrice Sylviane Courgeau installée en vallée de Bethmale (Ariège). Cependant, ces productions restent trop confidentielles pour alimenter la demande et un stand entier.
La deuxième raison tient dans notre engagement humain et environnemental, marqué par le niveau maximum que nous avons obtenu sur le label Manifestation verte ! Pour commencer, on pourrait rappeler les mots de l’esclave du Surinam, amputé et exploité, dans Candide de Voltaire : « C’est à ce prix que vous mangez du sucre, en Europe ? » Aujourd’hui, à quel prix utilisons-nous des cristaux en Europe ? Quand on achète une pierre, connaît-on sa provenance et les conditions de son extraction ? Quasi jamais ! Des journalistes et ONG ont notamment révélé :
- les trafics illicites de pierres, qui mettent à mal la sécurité et l’économie locales, comme le béryl de Madagascar (sources ici ou là)
- les extractions qui mettent en danger les écosystèmes (source Mongabay ici) et qui ne sont pas sans rappeler la course aux « terres rares »
- le financement d’organisations mafieuses ou terroristes par l’exploitation obscure de pierres et cristaux, avec l’exemple du lapis lazuli d’Afghanistan (source Global Witness ici)
- l’exploitation de travailleurs et d’enfants, notamment pour le quartz rose, toujours à Madagascar, pays décidément très impacté par ce commerce (source ci-dessous)
Un reportage du média québécois Vrai, proposé par la journaliste Audrey Ruel-Manseau, a récemment mis en lumière les problèmes environnementaux et humains soulevés par cet engouement occidental pour les minéraux.
Une interview qui raconte cette enquête est également disponible ici.
La troisième raison tient dans les labels éthiques et écologiques que nous voulons mettre en valeur sur notre marché. Nous pensons au label bio, mais aussi à la mention Nature & Progrès, au syndicat SIMPLES ou au label Valeurs Parc. À notre connaissance, il n’existe pas de label éthique au sujet des pierres et cristaux. Et cela paraît logique, au vu des problèmes soulevés par l’extraction !
Enfin, la quatrième et dernière raison correspond à notre objectif d’empowerment, qu’on traduit souvent en français par capacitation ou autonomisation. Sur le festival, cet objectif passe par trois choses :
- les conférences, pour apporter des savoirs rigoureux au public
- les ateliers en petits groupes, pour gagner en savoir-faire et autonomie
- l’absence d’activité de soin : pour nous différencier de manifestations bien-être, il s’agit pour nous de ne pas proposer de thérapie mais plutôt les conditions, les outils, les possibilités pour que chacun·e gagne en capacité d’action. C’est ce que la philosophe américaine Judith Butler appelle agency (agentivité en français, plus d’infos ici). Nous avons bien conscience que certaines de nos animations sont « à la limite » et que le public est souvent demandeur, mais nous nous efforçons de garder un cap fort d’empowerement, qui fait que certains stands ou activités ne seront jamais représentés sur notre festival.
Voilà les raisons qui nous poussent à ne pas proposer de pierres et cristaux sur le marché des sorcières. Nous savons que le public a parfaitement compris notre engagement fort ainsi que les choix qui en découlent, et l’engouement pour les activités que nous proposons nous le confirme !
Si vous voulez soutenir cet engagement, n’hésitez pas à adhérer à notre association ici : cela nous aidera grandement !